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“Le Pas du monde” somptueux du Collectif XY à la Villette

7 novembre 2025
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© Mélissa Waucquier

Qu’est-ce qu’un homme ? Comment naissent les montagnes, et la tempête qui fait danser dangereusement les Océans ? Dans un spectacle époustouflant de douceur et de beauté, le Collectif XY compose des pyramides mouvantes de corps qui basculent, tandis que les voix des circassiens s’élèvent en mélopées suaves dans les airs. Incroyable.

Pyramides humaines

Ils élaborent depuis vingt ans des spectacles hors-normes, à leur manière : inspirée et inspirante, entièrement horizontale dans leur manière de travailler et de créer. Pour cette dernière création, dont chaque représentation à la Villette s’offre au public dans une apesanteur magnétique et un silence religieux, ce sont les hauts sommets des Alpes qui ont inspiré les dix-neuf acrobates du Collectif XY qui signent aujourd’hui un spectacle total, accompagnées de deux musiciennes cantatrices. Le spectacle débute dans un halo de douceur poudrée, costumes doux aux tons pastels et chauds, par des grappes d’interprètes de tous âges et de toute morphologie, qui s’agrègent entre eux à la manière d’une masse vivante, vibrante. D’abord longue et ronde comme un magma de lave en fusion, cette masse de corps s’élève et les interprètes grimpent les uns sur les autres, formant des échelles de Jacob entre ciel et terre, avec les anges qui planent autour. Les anges-acrobates voltigent, basculent d’avant en arrière, puis le dos courbé comme des somnambules planant, le corps à l’horizontale ou à l’oblique.

Iconographie riche

© Mélissa Waucquier

Les scènes s’enchaînent avec une douceur enveloppante, les interprètes chantent tous, et les lumières d’Eric Soyer sertissent leurs corps, tandis que les micros placés sur scène amplifient délicatement leur voix. Entrainés durant un an à composer ce spectacle, tous les interprètes ont aussi appris à chanter et le chant, le souffle de la mélodie, mêlé à une bande son particulièrement judicieuse, participent à la magie de cette création totale. Il n’y a rien d’autre sur le plateau que ces corps, formant des océans d’émotions et de sensualité, composant des paysages de montagnes qui s’érodent, des mers qui se déchaînent, où une clairière où échangent des oiseaux et des arbres centenaires. Le Radeau de la Méduse de Géricault, mais aussi les héros grecs de la mythologie, Atlas pour les porteurs, les marines de Turner, semblent avoir inspiré ces tableaux humains dont la virtuosité et la prise de risque ne semblent pas éclipser la tendresse douce et féconde qui fait du collectif un impératif de création.

Saltos et voltiges

© Mélissa Waucquier

Le temps, le rythme des saisons et des âges de la vie, sont ici les axes de cette merveille à vocation universelle. On s’y agrège, au ras du sol ou portés par quatre corps, de manière à jouer sur l’infiniment grand et l’infiniment petit. Puis, comme des figures organiques du règne animal ou végétal, les corps vrillent, sursautent en des sauts incroyables, pour être réceptionnés à mains nues en une choralité bienveillante. Le mouvement de sac et de ressac des corps, de projection et de chute, ne s’arrête jamais. C’est celui de la marée qui revient sans cesse, et qui nous hypnotise par sa langueur et sa fluidité. Pas une faille, par un sursaut de démonstration performative, ne viennent parasiter la pureté et la générosité de cette chorégraphie plurielle. Tiens, nous sommes dans la jungle et les animaux gambadent ou rugissent. Des acrobates minuscules sont propulsés dans le ciel, d’autres plus corpulents dansent des mouvements plus lents, ou se trémoussent sur un air de funk dans des lumières chatoyantes et délicates. C’est drôle et tendre à la fois, et ce qui est célébré ici, en communion totale avec le public, est bien la nécessité vitale de se relier les uns aux autres, comme les feuilles d’un arbre mondial géant, pour braver les avis de tempête et de tsunami. Fragiles et forts à la fois, immenses ou minuscules, ces êtres qui nous ressemblent forment aussi, puissante et fragiles, les atomes du monde. 

Hélène Kuttner 

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